« On lui aura toujours demandé de choisir entre la dignité et la liberté. Entre le désirable et le possible. L'imagination et la raison. Alors que nous attendions une réponse à cette question vitale, il refusait de s'interroger à ce propos. Allez savoir pourquoi, Monsieur appréciait les suspenses, les pauses et autres arrêts indispensables - selon lui - de la vie. »

Je me demandais souvent pourquoi mon frère agissait de la sorte. Recroquevillé sur lui-même près de la cheminée, il fixait les flammes avec détermination et semblait captivé par leur mouvement aléatoire abstrait. Le rouge était sa couleur préférée, je me souvenais encore lui offrir ces camions de pompiers moldus qu'il adorait tant. Oui, il montrait même sa collection à chaque passant, chaque voisin qui passait sous son nez pointu. Ses jouets représentaient l'honneur, la passion. Exposer ses biens aux yeux de tous demeurait un instant particulier pour ce petit être. Jamais un jour ne passait sans qu'il ne sorte toutes ses boîtes en carton remplies de trouvailles sans queue ni moteur. Mais Field - tel était son prénom - s’exaltait devant ces déchets. Il lui en fallait peu pour rester heureux, garder un oeil simple sur les affaires du monde était sa phrase fétiche. Nous avons vécu une enfance des plus normales au sein d'une famille, aucun reproche n'est sorti de nos bouches respectives, nous étions protégés à l'intérieur de ce cocon appelé Papa et Maman. Je grandissais, développant mon amour pour les poupées et le maquillage, tandis que Field se concentrait sur les livres et la reproduction des tortures. Un féru de nature et d'environnement, ce gamin. Vous savez, le type d'enfant qui cueillait des roses du jardin pour les offrir à sa dulcinée, le garçon qui ne mangeait que des mots, et ne communiquait qu'avec des personnages fictifs. Un esprit rempli de contes, alors pour lui, la réalité fut très difficile à avaler lorsque l'adolescence survint brusquement.

J'étais déjà passée par ses choses là mais il subit plus de dommages que moi. Avant Poudlard, on l'écrasait sans raison valable, on le maltraitait sans rancœur. Mais j'avais beau vouloir le défendre et casser le nez de ces malfrats, Field trouvait toujours quelque chose à redire sur ma manière d'agir, et affirmait que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Qu'il se fichait des traitements infligés et que tout ce qui lui importait était d'être en paix avec soi-même. On aurait cru entendre ces hippies de 69 au rassemblement de Woodstock. Ces moldus capables de se tuer pour faire satisfaire leurs droits de fumeurs de joint. Je ne pouvais supporter cette attitude je-m’en-foutiste mais quand Field avait une idée, un point de vue en tête, seule la mort ou une bonne migraine pouvait la lui retirer.

« Un jour, tu te feras avoir, Field. A tout prendre à la légère comme tu le fais, tes amis les plus proches croiront qu'ils pourront se permettre de te faire du mal, et je ne veux pas que tu ais à vivre cela. » « Tu m'encourages donc à me battre ? Mais pour quoi faire ? La violence engendre la violence, répondre aux agressions accentuerait le fait que je sois aussi débile qu'eux, chose que je ne suis pas. Désolée soeurette, mais je ne veux pas m'abaisser à leur statut de gnomes. » « Il ne s'agit pas de s'abaisser ou de devenir plus faible, mais de défendre sa dignité, son honneur. Tu n'en as pas, c'est ça ? Je croyais que tu te battais pour tes idées, et que des personnes comme Judith ou Klaus ne pouvaient mériter de vivre. » « Ce n'est pas à moi de les corriger, le destin s'occupera de cela pour moi. On ne s'entendra jamais sur ce domaine, Calypso, mais je ne t'en veux pas : ton âme n'est pas assez préparée à recevoir la vraie parole. Pour le moment, tes synapses demeurent dans le flou, le néant. Mais viendra un jour où la lumière se reflétera sur tes pensées, et tu t'apercevras que la meilleure réponse à l'attaque est le silence. » Jusqu'à son entrée à Poudlard, Field s'était toujours montré aussi intelligent, cultivé et censé. Sa diction se présentait comme étant parfaite et nous doutions de posséder un génie dans la famille. Après quelques tests, nous nous sommes aperçus qu'il était un enfant tout à fait normal mais j'en étais certaine : nous n'avions pas affaire à n'importe qui.

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« Expelliarmus !. »
« Protego !. »
« Très bonne défense, Averly ! Gardener, un peu plus de conviction mon petit, mais c'est déjà bien. Aux suivants ! »

Depuis la minute où j'ai vu ce gigot d'agneau bien tendre, j'ai pertinemment su qu'il fallait que je le cuisine avec mépris. Mes saveurs démoniaques se mélangeraient assurément avec son goût tendre. Bon, il faut que j'arrête de parler de nourriture. J'ai oublié de me présenter, Winnifried Averly, troisième année à Poufsouffle. Cette maison ne réunit pas seulement les fêtards et les oubliés de la société, elle accueille aussi des élus, comme moi. Vous vous direz peut-être que j'exagère mais détrompez-vous : mes parents sont de grands aristocrates, et je compte me faire un nom dans ce monde. Alors quand je vois que des énergumènes comme Field, ma tension s'accélère, le battre et l'écarter du cercle fermé des grands sorciers me passionne. Malgré cette amertume, je l'aime bien, ce Field. Il est plutôt raisonné, et ne parle pas de conquêtes amoureuses toute la journée, alors qu'il pourrait. Ouais, il a de nombreuses demandes mais n'est jamais sorti avec quelqu'un. A treize ans, c'est parfaitement normal, me direz-vous. Mais j'espère qu'il s'en sortira, qu'il arrêtera de ne communiquer qu'avec ses livres, qu'il découvre la vie ! Parce qu'il est vraiment mal parti. Il arpente les couloirs, tête baissée, et ose à peine lancer une parole sympathique. Je ne sais pas, subit-il de traitements malsains après les cours dans les cachots avec Rusard ? Je ne comprend pas, ce gars a tout pour être populaire et respecté, mais il préfère souffrir en silence. C'est pour ça que je ne m'insulte plus, ou plus autant qu'avant, en tout cas. Avec ma bande, on a cessé de l'emmerder, ça sert à rien, il ne répond même plus. Vraiment étrange, ce gars. C'est ce qui fait tout son charme, je crois bien. « Hey, Gardener, viens par là deux secondes ! » « Qu'est-ce que vous me voulez, encore ? Je n'ai plus de Chocogrenouilles sur moi, et je ... » « Calme-toi un peu. On voulait te demander si tu accepterais de ... venir à la prochaine soirée organisée par les sixièmes années de Poufsouffle, ça pourrait être sympathique, non ? On aimerait vraiment que tu viennes. » « ... Je ne vois aucun intérêt à se rendre dans ce genre de rassemblements, pourquoi donc m'invitez-vous ? » « Mais quand donc cesseras-tu de poser des questions, Field ? » Soupir. « Tu m'as l'air triste, c'est tout, on veut que tu apprennes à t'amuser un peu, allez, tu me feras plaisir. » « Te faire plaisir, c'est nouveau, ça. Bon, je viendrai peut-être, mais je resterai assis, à côté du buffet. » « Bonne nouvelle, on t'attend demain soir dans la salle des Trophées! »

Je l'avais finalement incité à venir. Finalement, il s'est excellemment bien amusé, trop amusé, même. Il découvrit que les autres élèves n'étaient pas si mesquins qu'il ne le croyait, et que malgré les différences, on pouvait très bien s'entendre. Cela fait déjà quatre ans que cette fête a eu lieu, et depuis, plusieurs évènements se sont déroulés. Tout d'abord, une nouvelle des plus importantes, Field m'a demandé d'être sa cavalière en cinquième année. Demande que j'ai bien entendu de suite acceptée, je l'aimais bien. Depuis, nous sommes en septième année et sommes tombés amoureux, et tout va bien. Malheureusement, la fin des cours approche et nous devons prendre des chemins opposés. Lui souhaite étudier la médecine magique, et moi dans le journalisme. Mais je sais pertinemment que nous nous retrouverons un jour, j'en suis persuadée.

Et maintenant ? Je suis âgé de vingt-quatre ans et j'ai vécu beaucoup de choses. Mes parents ont déménagés aux Etats-Unis afin de profiter de la liberté, de cet American dream qu'ils espéraient depuis tant d'années. J'habite toujours notre ancienne maison, modeste mais remplie de souvenirs. Côté boulot, je me suis trouvé un poste au sein de mon ancienne école, Poudlard. Une responsabilité que je risque d'apprécier, puisqu'il s'agit du poste d'infirmier. J'accompagne aussi le professeur de botanique dans ses recherches sur les plantes médicinales. Je viens tout juste d'arriver, alors le contact avec les autres élèves n'est pas encore exactement établi mais je retrouve le même établissement, les mêmes murs que durant mon enfance. Les fantômes des maisons respectives me reconnaissent même, ce « Field qui en avait tant à dire ». Etant un garçon assez discret, je ne me suis cependant pas fait encore connaître mais les premiers blessés devraient arriver dans les prochains jours alors ils devraient s'apercevoir du changement de propriétaire. L'assistante m'a tout de suite très bien accueillie, mais selon elle, « c'est toujours plus agréable de travailler en compagnie remarquablement sexy. » C'est elle qui le dit, je ne me trouve pas spécialement attirant. Bref, on s'en fout complètement. Je suis de retour, pour le meilleur, et pour le pire.