© peacefrog

▬ part one
to a father growing old
nothing is dearer than a daughter.

Ce soir, Père et Mère donnent en notre demeure une grande réception. Les elfes de maison ont travaillé toute la journée en cuisine, et comme à chaque fois, le buffet est un véritable régal autant pour les yeux que pour l'estomac des invités. Mère s'est occupée de la décoration du salon et de la salle à manger dont les murs, après deux ou trois coups de baguette, ont été recouverts d'un papier peint aubergine et de rideaux noirs aux reflets argentés. Les sofas ont quant à eux été poussés contre les murs et parés de nombreux coussins assortis. Inutile de préciser que toutes les personnes qui sont autorisées à pénétrer en ses murs lors de cette soirée sont des sorciers au sang aussi irréprochable que le nôtre.

Tous les préparatifs sont déjà prêts mais il n'est pas encore l'heure pour les invités d'arriver. Je finis de parfaire ma tenue dans ma chambre luxueuse, située au premier étage du manoir. Je passe mes nuits dans un lit à baldaquin bordé de draps en satin et en soie, et posséde une coiffeuse fabriquée par des gobelins. Même le lustre de la pièce est serti de véritables diamants, sans compter que chaque meuble vaut une fortune. Une vraie petite princesse me direz-vous, et c'est exactement ce que je suis aux yeux de Père. Je ne pense pas me tromper en affirmant que le plus beau jour de sa vie fut celui de ma naissance. Je peux sentir ce regard rempli de fierté qu'il pose sans cesse sur ma jeune silhouette, et le sourire satisfait qui étire ses lèvres à chacune de mes paroles. Je n'ai jamais manqué de rien, et tout ce que je désire, je l'obtiens d'un simple battement de cils. Pour Père, rien n'est trop beau pour moi, sa fille, celle-là seule qui est capable d'honorer l'ascendance de notre famille. Mais il faut savoir que toute cette attention qu'il me donne n'est que la monnaie d'échange contre mon obéissement quotidien à ses recommandations. En l'échange de toutes ces merveilleuses choses que tout enfant jalouserait, je me conduis telle qu'il me demande de le faire. Il pourrait me demander n'importe quoi, que je m'exécuterait sur le champ, parce que je ne peux rien lui refuser, parce que je ne peux me passer de son regard fier, parce qu'être le centre de son attention est tout ce qui compte, et parce que je suis une enfant terriblement faible, cloîtrée depuis ma naissance dans un confort perpétuel et dont je ne voudrais pour rien au monde me sortir. Mais il faut dire qu'avec le temps, j'ai fini par prendre plaisir à agir tel qu'il me le demande.

J'entends des bruits de pas sourds et me doute que les invités sont en train d'arriver. Une ultime vérification devant le miroir de ma coiffeuse et je sors de ma chambre, l'allure sûre, prête à faire bonne figure auprès de ces personnes que Père et Mère affectionnent. Au moment de passer devant la dernière porte du couloir, je ralentis néanmoins, un rictus malsain se dessinant sur mon visage. Cette pièce, c'est sa chambre, celle de cet être, impure et illégitime, qui vit sous le même toit que nous et que Père a pris soin de m'apprendre à dénigrer et humilier pour lui rappeler à quel point il n'est rien, absolument rien. Une erreur, une infamie qui n'aurait jamais dû voir le jour, et encore moins croupir sous le même toit que notre famille. Je me saisis de la poignée de la porte et l'ouvre lentement, jusqu'à ce que je puisse apercevoir sa silhouette apparaître dans l'obscurité de la pièce. Il me dévisage avec une expression que je n'apprécie guère. « Ne me regarde pas avec tant d'ingratitude. Tu devrais t'estimer heureux que Père ait eu la bonté de t'accepter sous notre toit. » Je souris pleinement, une lueur mesquine dans le regard, et referme la porte sans un bruit. Là-dessus, je prends la direction des escaliers et profite un instant de l'ivresse que cette humiliation me procure. Ce que l'on peut être cruel lorsqu'on a que huit ans.

© dodixe

▬ part two
a lie told often enough
becomes the truth.

Poudlard. Lieu de déchéance de notre propre espèce où les sang-de-bourbe côtoient les plus purs d'entre nous. Cette mascarade me donne la nausée, mais je tâche de me faire discrète à ce sujet. Je n'oublie pas que ces êtres que j'exècre finiront bien par me servir à un moment ou un autre, alors je joue le jeu, je prends part à leurs discussions, je ris à leurs plaisanteries, je leur sers même parfois de confidente. Je fais en sorte de devenir suffisamment importante à leurs yeux pour que ma présence devienne nécessaire. Je me montre tellement attentionnée, tellement complaisante avec eux qu'ils finissent par me manger dans la main et me dire tout ce que je désire savoir sur leur compte. Et lorsque je pense avoir suffisamment joué avec et que je n'ai plus besoin d'eux pour accomplir mes desseins, je ruine leur vie. À force de les fréquenter, je connais parfaitement leurs faiblesses, leurs peurs et leurs craintes. Viser là où cela fait le plus mal est alors un véritable jeu d'enfant. Mais toujours dans la subtilité, la finesse et l'habileté, et avec cet air innocent que je feins tellement bien. Je jubile alors devant leur désespoir, et parfois même devant leurs supplications pour que j'accepte encore de les épauler. Et moi, ingénue à l'extérieur et tortionnaire à l'intérieur, je les laisse là, les abandonnant à leur triste sort, seuls avec leur détresse, et j'exulte face à ce spectacle pitoyable. L'école est mon terrain de jeu.