Huit ans. Mon professeur avait absolument tenu à rencontrer ma mère en privé, dans son bureau. Elle était venue vers moi durant un cours, l'après-midi et m'avait demandé de prévenir mes parents qu'elle aimerait bien s'entretenir avec. Je n'avais que des bonnes notes. J'étais sage. En gros, une élève modèle. Je n'avais pas compris pourquoi elle tenait tant à cette entrevue. Y avait-il donc quelque chose à me reprocher ? Cela me paraissait pour le moins étrange. J'avais prévenu ma moldue de mère. Pas mon père - je n'en avais pas. Non, il n'était pas mort. Il n'avait pas pris ses jambes à son cou lorsqu'il avait appris qu'il avait mis une adolescente de seize ans en cloque non plus - elle avait d'ailleurs vingt-trois ans lorsque je suis née. Rien de tout cela; nous ne sommes pas dans un roman. Maman me l'avait racontée à mainte reprise durant mon enfance ; c'était une histoire que j'aimais entendre. Deborah Sherwood, ça ne vous dit rien ? Si vous n'avez pas de sang moldu dans les veines, c'est tout à fait normal. C'est le nom de ma mère, célèbre journaliste pour un journal londonien. Son travail l'amenait à voyager et ce fut lors de l'un de ces voyages qu'elle rencontra mon paternel. Il s'appelait Nolan. Il fut son guide là-bas et ce qui devait arrivé arriva. Quelques semaines après, la nouvelle tomba : elle était enceinte. Cependant, elle n'eut plus aucune nouvelle de cet homme. Tout ce qui lui restait de lui était une photo - qu'elle me donnera plus tard, le jour de mes dix ans. Une étrange photo qui semblait nous adresser un sourire lorsque l'on posait les yeux dessus, comme s'il pouvait bouger. Bizarre, non ?
Enfin bref. Ce jour-là, ma mère était donc venu voir mon professeur et - bien que je n'y sois pas forcé - j'avais tenu à l'accompagner, soucieuse de ce qu'il voulait bien lui annoncer. « Madame Sherwood, je vais être franc avec vous... » Il marqua une longue pause, comme pour garder le suspens. Je voyais ma mère observer cet homme avec méfiance, espérant sans doute le sonder afin de découvrir ce qu'il était sur le point de dire avant que les mots ne sortent de sa bouche. Elle ne parut cependant pas y réussir. Un soupir s'échappa des lèvres de Monsieur Finnighan, mon professeur, avant qu'il ne continue sa phrase : « J'ai l'impression que votre fille s'ennuie en cours. Elle n'écoute pas, préfère dessiner sur sa feuille ... Elle s'est également endormie sur son bureau la semaine passée. » Ma mère se retourna et me jeta un regard noir, qui signifiait « nous en parlerons une fois à la maison », regard que Monsieur Finnighan intercepta avant de rectifier : « Cependant, Zephyr obtient des notes excellentes et a de la facilité. » Il tendit à mes mère mes dernières récitations; chacune d'entre elles étaient un sans faute. « Zephyr est très intelligente; les cours doivent être trop faciles pour elle. Je pense qu'il faudrait lui faire sauter une année. » Et c'est ce que je fis. Très intelligente. Ces mots résonnent encore à mes oreilles. On pensait que j'avais une intelligence supérieure à la moyenne, c'était tout. Je n'étais qu'une fille qui avait de la facilité en cours. À cette époque-là, je ne me rendais pas compte de la chance que j'avais. Maman était fière de moi et j'en étais heureuse. Je ne pensais pas qu'un jour, je regretterais que l'on me considère comme « très intelligente ». Que je regretterais d'être un génie.

Onze ans, mon destin fut chamboulé par l'arrivée d'une étrange lettre. Je me souviens être resté de longues heures à la contempler - en me demandant qui pouvait bien en être l'expéditeur - avant de finalement l'ouvrir. L'écriture était penchée, propre. C'était une belle écriture. La lettre avait été fermée avec un sceau qui symbolisait une école. Poudlard. Ce nom m'était totalement inconnu. Avant que je ne la liste, je me demandais si ma mère avait décidé de m'envoyer dans une autre école - une école pour les enfants « doués ». Cependant, je m'aperçus rapidement que cet établissement n'était pas une école pour enfants doués. C'était une école pour les gens spéciaux, les gens comme moi. En effet, cette lettre m'annonça que, comme tous les enfants de sorciers, j'allais faire ma scolarité dans la fameuse (fameuse ? je n'en avais jamais entendu parler) école de sorcellerie anglaise, Poudlard. Je cru tout d'abord à une blague avant de finalement me persuader que cela était peut-être vrai. Après tout, plusieurs événements étranges se produisaient autour de moi depuis quelques temps. Le jour où je me suis énervé contre tante Alice pour X ou Y raison et que le rideau derrière elle s'est soudainement mis à brûler. Ou même la fois où le crayon que je cherchais avait commencé à léviter. J'avais cru à une hallucination. Et s'il s'agissait en fait de... magie ? Comme cette photo sur laquelle on voyait peu à peu mon père biologique changer d'expression. Moi, une sorcière ? Ca alors si on me l'avait dit un jour...
Mon entrée à Poudlard, je crois que je m'en souviendrais toujours. Le quai 9 ¾, le Poudlard Express, la traversé du lac en barques... Mais ce qui m'a le plus émerveillé, c'est le château lui-même. La Grande Salle, surtout. Étant une passionnée d'astronomie, j'ai tout de suite eu un faible pour le plafond de la Grande Salle, qui nous montrait un ciel sans nuage et rempli d'étoile lors de nos premiers pas dans l'établissement. Dans le train, plusieurs élèves m'avaient parlé de la répartition ; on m'avait décrit les différentes maisons de l'école. Alors, quand on m'appela pour m'envoyer dans ma maison, je m'attendais déjà à être envoyée à Serdaigle, celle des plus intelligents. Cependant, le Choixpeau mit plusieurs minutes à se décider. Il hésitait. Entre Serdaigle et Serpentard, « la maison des gens les moins fréquentables. » m'avait-on dit. J'avoue que je ne compris pas cette hésitation : je m'étais toujours considérée comme correcte et je ne me reconnaissais en rien dans la description des Serpentards. Manipulatrice ou hypocrite ? Arrogante, même ? Cela était loin de me correspondre... Maligne peut-être, mais le reste...

Treize ans. Dans mon quartier, il y avait trois filles de mon âge avec lesquelles je m'entendais très bien depuis mon enfance. C'était des moldus; elles croyaient que j'étudiais dans un pensionnat aux États-Unis. Je m'en voulais de leur mentir, mais je n'avais pas le choix. Je ne pouvais tout de même pas leur avouer la vérité, non ? On m'avait répété maintes et maintes fois que c'était interdit. L'une d'elle - Julia - ne cessait d'en critiquer une autre, Emily. Je n'ai jamais vraiment compris comment Emily faisait pour supporter cette situation. Toujours est-il qu'un jour, j'ai ouvertement contredit Julia en lui demandant d'arrêter de s'en prendre à notre amie de la sorte. Toutes les trois étaient sous le choc : celle qui ne disait rien, qui n'avait toujours fait qu'acquiescer osait remettre la parole de Julia en doute ? C'était étonnant de sa part. Et surtout inadmissible à leurs yeux. Le lendemain, je vous le donne dans le mille... Je quitte ma maison pour aller les retrouver, et qu'est-ce que j'entends ? « De quoi elle se mêle, cette idiote ? Elle ne se rend pas compte qu'on ne la fréquente que par intérêt. Qu'elle aurait été seule si elle n'avait pas été aussi intelligente. Elle n'a rien d'intéressant. » Hypocrisie ? Non. Elles savaient que j'étais là, que j'avais tout entendu. C'était leur « vengeance » en quelque sorte. J'avais osé être franche, alors elles me faisaient payer. Emily n'était plus la victime. C'était moi, à présent. Seulement, ce n'est pas mon genre de me laisser faire alors autant dire que je n'ai plus fréquenter ce groupe de fille. Cela peut paraître stupide ; peut-être pensez-vous qu'il s'agit d'un événement sans importance, mais j'étais naïve à l'époque et derrière ces paroles se cachaient -je le sais- le fond de leur pensée.
Lors de mon entrée en quatrième année, tout le monde se rendait compte que j'avais bien changé - personne n'en su cependant la réponse. Elles me fréquentaient par intérêt, et si c'était le cas de mes sois-disant amis à Poudlard ? Je devins alors celle que tout le monde voulait. La gentille Zephyr qui ne contredisait jamais personne et qui faisait profiter de son intelligence aux autres - naïvement. Cependant, ce n'était qu'un masque. Un masque derrière lequel se cache quelqu'un qui - la plupart du temps - sait ce qu'elle fait.

Dix-sept ans. Quatre ans que je porte ce masque. J'ai découvert une nouvelle Zephyr. Méfiante, calculatrice et manipulatrice à ses heures. Et surtout, très hypocrite. Cette nouvelle Zephyr ne fait plus confiance à personne sauf à elle-même. Elle ne croit plus en l'espèce humaine. Elle ne dit jamais le fond de sa pensée, elle se contente de sourire et d'acquiescer. Oui, je ne me laisse aller que quand je suis sûre d'être toute seule. Les gens pensent sûrement que je suis leur pantin. C'est vrai, je me laisse faire. Mais consciemment. J'avoue, j'ai bien un point faible... Ce garçon qui m'attire mais qui ne voit en moi qu'une boniche pour exécuter ses ordres - ce que, j'en ai honte, je fais... César, comme l'empereur romain. Un Serdaigle aussi. J'avoue qu'il a une certaine emprise sur moi ; je crois qu'il pourrait me faire faire n'importe quoi - ou presque.
Mais revenons à nos moutons : on se sert de moi et j'en suis conscience. Ce qu'ils ne savent cependant pas, c'est que le génie qui n'obtient que des Optimals à ses examen calcule ses coups, se faisant passer pour le pion alors qu'elle est en réalité le maître du jeu. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences.