« Puisque ça vaudra toujours bien toutes ces paires de claques... »

Il s'était cru malin, il avait cru que cette fois, il allait remporter le défi, cette course folle. Mais non, d'une certaine manière, et probablement avec beaucoup de chance, j'avais gagné. D'une certaine manière, bien que Scar possède un don qui pourrait lui donner une large marge d'avance, je parviens toujours à demeurer dans la course de nos défis fous. Visiblement, nous n'avons pas beaucoup grandit depuis notre première et deuxième année, puisque nos défis s'avèrent toujours aussi intellectuellement élevés à mesure des années qui passent. La seule chose qui change, c'est qu'à force du temps, on devient légèrement plus cruels – voire masochistes - et nos défis se corsent de manière assez sauvage. Il n'est pas rare que nous nous retrouvions en situation de danger absolu, ou que nous nous tenions compagnie dans le bureau d'un professeur qui nous a collé une infâme retenue. Dans tous les cas, l'important reste que cette fois-ci, j'ai gagné. Et que par cette victoire, le droit de donner une sale conséquence à Scar me revient. Ce Serdaigle va en baver. Ça fait quelques nuits que j'y réfléchis. J'ai bien envie de lui faire quelque chose qui le dégoûtera et lui invoquer le goût de la défaite encore et encore. Moi, mauvais joueur ? Non, à peine. Seulement, je sais savourer mes victoires. Comme lui sait très bien me filer des conséquences qui me font frôler la pneumonie avec des idées de devoir sauter dans le lac en période de Noël après avoir échoué à son défi de voler le plus d'animaux domestiques des élèves en guise de plaisanterie. Ouais, on finit par avoir des idées vraiment débiles. Mais c'est probablement ça qui est bon. Enfin, à un rat près, ce scélérat avait gagné. Et à une seconde près, j'allais sans doute finir avec un poumon en moins. Néanmoins, je ne compte pas imposer de traumatisme physique à mon cher compagnon. Non, seulement marquer la mémoire des autres collégiens de l'école de sorcellerie en lui laissant le soin d'arborer une fraîche couleur rose fluorescente capillaire au lieu de son joyeux roux. Une journée. Une journée avec la vie en rose. Si ce n'était pas généreux de ma part, j'ignorais ce que c'était. Dans tous les cas, cet épisode demeure à tout jamais gravé dans ma mémoire, et probablement celles de certains, tant c'était désopilant. Et il faut l'avouer, tout le monde a découvert que le rose va bien au teint de Scar, d'une certaine manière.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui était l'heure du défi – ou traumatisme - dégustatif. Je vous explique. Une de mes amis possède une sorte de don, ou alors, une très grande chance concernant les dragées surprises de Bertie crochue. Elle arrive à les trier pour garder les meilleurs, et quant aux saveurs telles que crotte de nez, poubelle, bave de troll et j'en passe... Elle les rejette, forcément. Elle n'est pas aussi sadique que moi. Mais cette fois-ci, ces dragées ne connaîtront pas le déplaisir de la poubelle ou l'estomac d'un rat/chat affamé, mais... le nôtre. Alors que l'heure du petit-déjeuner s'achevait, je m'installais à la table des Serdaigle, juste à côté de mon roux favoris, ma boîte de dragées surprises de Bertie Crochue entre les mains.

« Bonjour mon cher ami. »

Je pose la boîte qui a pratiquement l'allure d'une boîte pleine mais dont les dragées allant du jaune au blanc en passant par le vert a un certain effet de révulsion. Un sourire sadique aux lèvres, bien que j'y goûterais forcément, je laisse le soin à Scar de deviner la suite. Il ne faut pas croire que nous nous aimions pas, bien au contraire. Le fait est que, pour ma part, je suis affreusement moqueur. Et ensuite, nous sommes assez compétitifs. On ne donne pas vraiment la chance à l'autre de gagner, encore moins le Serdaigle avec son fichu don. Mais dans tous les cas, nous sommes assez proches, grâce notamment à ses défis, et au fait qu'on n'hésite pas à se rendre service dès que l'occasion se présente. Cependant, ce matin, il était l'heure du défi, comme tous les samedis matins. C'était devenu un rituel, en quelque sorte. Et mon tour d'apporter la « chose ». Laissant à Scar le loisir de grimacer, je proposais, d'une voix de maître :

« Celui qui en mange le plus, le plus vite, sans gerber ses tripes par terre ? Deal ? »

Je tendais mon poing, en guise d'accord pour débuter le défi. Un coup de sa part, et nous n'aurions plus qu'à nous bousiller la langue sur ces horribles saveurs...